
GUEST EDITO – Vous avez dit infrastructures ! par Demba Varore
Le sport est universel mais l’infrastructure construit l’élite.
Le sport est universel. Il rassemble les individus au-delà de leurs différences. C’est ainsi que le conçoit en tout cas la charte olympique dans ses principes fondamentaux. Tous les peuples partent-ils cependant à chances égales dans la pratique sportive ? A priori oui.
Les sports populaires n’ont en effet pas besoin d’infrastructures pour se pratiquer. Il suffit d’un terrain vague pour jouer au football. Georges Weah, Diego Maradona, Lionel Messi, Pelé… ont appris à taper un ballon de foot dans les rues de quartiers très pauvres. Et il ne faut pas une ingéniosité extraordinaire pour se faire une dalle et un panier afin de jouer au basket. La quasi-totalité des disciplines de l’athlétisme peut se pratiquer malgré des conditions les plus rudimentaires. Pareil pour les arts martiaux. Quand il s’agit d’apprendre ou de se faire juste plaisir, le sport, surtout les plus populaires, est universel.
Pour atteindre l’élite cependant, il faut des infrastructures. Les diamants bruts sortent de l’anonymat et commencent à rayonner que lorsqu’ils foulent les plus belles enceintes. En 1960, Abebe Bikila, qui a longtemps couru pieds-nus dans les rues d’Asmara et d’Addis Abeba dans l’indifférence totale, est entré dans la légende au mythique stade olympique de Rome. C’est en effet l’infrastructure qui fait l’élite. Car les grandes infrastructures sont le théâtre des plus belles compétitions. De la même manière que les édifices jouent un rôle essentiel dans le développement durable des villes et des pays au sens large, les enceintes sportives contribuent à la professionnalisation de la pratique du sport.
A l’heure où le sport est bien plus qu’un jeu, l’infrastructure au même titre que la formation doit être au centre de tout projet sportif ambitieux. Ce n’est pas pour rien que la Premier League est devenue le championnat de football le plus rayonnant et le plus attractif au monde. Et pourtant, les meilleurs techniciens et les meilleurs joueurs de la planète ne sont pas anglais. Mais les clubs anglais qui disposent, pour la plupart des enceintes magnifiques, attirent l’élite du football mondial. Dans son livre ‘’Captain’’, Marcel Dessailly expose bien cette problématique. Lorsqu’il quitte, au début des années 2000, le très médiatisé championnat italien pour la Premier League, le défenseur français né au Ghana, est étonné de la vétusté des installations de son nouveau club Chelsea, comparé au luxueux Milanello de l’AC Milan. Depuis la boule a tourné.
Enfin comme tout édifice original et spécial, les infrastructures sportives dépassent parfois le cadre du sport. Wembley, Bercy, le Madison Square Garden… en sont de illustrations parfaites. C’est aussi culturel, touristique et diplomatique. Demandez au Qatar qui accueille le monde dans 11 mois. Ou au Maroc qui a hébergé presque toute l’Afrique de l’Ouest pour les éliminatoires du Mondial de football 2022. Le Sénégal est encore loin de ces deux pays en termes d’infrastructures. Mais le nouveau stade de Diamniado est un pas de géant. En attendant de donner l’opportunité au Sénégal d’abriter à nouveau une Coupe d’Afrique des nations, il lui permettra en 2026 d’accueillir toutes les étoiles montantes du sport mondial avec les Jeux olympiques de la jeunesse. Ce sera la première édition en Afrique. Et peut-être le point de départ d’une renaissance de l’élite sportive sénégalaise.